C'est à travers le chant que la poésie corse s'est transmise, littérature
orale que des générations de Corses ont nourri de leur sensibilité à travers
les évènements de la vie. Les auteurs sont aussi bien les bergers que les
paysans, les citadins, les instituteurs, les artisans, ou les curés. La poésie
corse semble née avec la langue. Cette poésie chantée, souvent improvisée,
s'est toujours inscrite dans la vie quotidienne. Ce sont les "nanne" (berceuses),
les rondes enfantines ("giratonde"), mais aussi les "sirinati" (sérénades)
de l' amoureux, des chants qui marquent les grands évènements calendaires
ou les grands travaux collectifs saisonniers , ce furent les chants guerriers
puis les chants électoraux ; c'est le "chjam' è rispondi" (chants humoristiques
ou satiriques retraçant les petites chroniques locales) où se mesurent les
poètes les jours de fête et de réunion ; les "lamenti" (lamentations) illustrent
les peines et les douleurs individuelles ou collectives de la vie ; enfin
les "voceri" (complaintes funèbres), abîmes de désespoir, qui hier encore,
accompagnaient le mort. Toutes les occasions étaient bonnes jadis pour chanter
à l'unisson. Les jeunes gens aimaient particulièrement faire preuve de leur
talent en public par la "cantara", sorte d'aubade accompagnée généralement
d'une guitare, d'un violon, ou de la cetera. A l'inverse de la plupart des
autres formes du chant corse, la paghjella accorde plus d'importance à la
voix qu'aux paroles ; elle se chante sans accompagnement. Jadis, elle se chantait
à l'église ou durant les processions.

Les
chants corses.




Terzine,Lamentu,Paghjella,chants
liturgiques, les polyphonies corses sont caractérisées par un chant à trois
voix: le Bassu,la Seconda,et la Terza. Parmi ces chants, la paghjella occupe
une place à part. Ce chant, qui dépasse aujourd'hui les limites de l'île, est
l'héritage d'une longue tradition vocale. Elle exprime toute la culture et l'âme
corse. Elle tient sa renommée de la virtuosité et de l'harmonie des trois voix.
Leur "entrée" se fait de façon immuable: la Seconda qui porte le chant,entonne,
le Bassu ,plus grave,vient la soutenir, alors la Terza,la plus haute,vient ajouter
ses ornements. L'origine du chant polyphonique corse est vraisemblablement antérieure
à l'arrivée du christianisme. Au Moyen Age,l'influence du chant grégorien semble
probable,comme celle des Pisans, qui occupèrent l'île du XI ème au XII ème siècle.
Mais le contact entre le chant profane et religieux se fera surtout par les
Franciscains et les confréries de laïcs. Jusqu'au début du X ème siècle, celles-ci
vont développer une forme de polyphonie sacrée, spécifiquement corse. Parallèlement,une
pratique purement profane demeure: poésies,berceuses,chants d'amour,de travail
et d'éxil sont chantées au sein des communautés villageoises. La polyphonie
corse joue alors un rôle social ,de la naissance à la mort, elle rythme la vie
des hommes. Au lendemain de la seconde guerre mondiale,le chant polyphonique
corse s'éteint; il n'est plus alors pratiqué que dans deux villages: Sermanu
dans le Cortenais et Rusiu dans la Castagniccia. Dans les années 70, il resurgit
du passé, porté par de jeunes chanteurs. Plusieurs groupes réintègrent le patrimoine
traditionnel. Ainsi , Canta u Populu Corsu, dont le fondateur Jean-Paul Poletti
revient aux sources du chant traditionnel. Ainsi Petru Guelfucci, I Chjami Aghjalesi,
A Filetta ou I Muvrini partagés entre tradition et création.